jeudi 16 décembre 2010

Yann Arthus-Bertrand: "Vivre mieux, avec moins"

Yann Arthus-Bertrand: "Vivre mieux, avec moins"

Mis en ligne le 16/12/2010
VIDEO Yann Arthus-Bertrand était ce mercredi le rédacteur en chef d’un jour de “La Libre”. Entretien avec le célèbre photographe français.
Ce 17 décembre marque le lancement, à Bruxelles, de votre exposition “Six milliards d’autres”. Quelle est la genèse de ce nouveau projet ?
C’est l’exposition de toute une équipe. J’ai eu l’idée en réalisant "La Terre vue du ciel", un travail qui m’a transformé et m’a fait voir mon métier de façon différente. Je me suis aperçu que la terre était plus belle que je pouvais l’imaginer et je demeure touché par cette beauté mais aussi par l’impact de l’homme sur notre planète. Quand je suis né, nous étions deux milliards, nous allons passer à sept milliards en juin 2011. Et cela se voit. En survolant la terre, on s’aperçoit de l’intelligence humaine. Mais on décèle aussi des raisons de s’inquiéter. Enfin, je me suis rendu compte que près de deux milliards de gens travaillent la terre à la main, uniquement pour se nourrir. Un séjour forcé de deux jours dans une famille du Mali, qui m’avait ouvert ses portes et son cœur et m’avait raconté sa vie, m’a fait comprendre que l’ambition de millions d’hommes était avant tout de nourrir leur famille. Cela a transformé ma vision des agriculteurs que je voyais, du ciel, travailler le sol. Je me suis dit qu’une fois le projet "La Terre vue du ciel" mené à bien, j’irais à la rencontre de ces gens, que je ferais leur portrait et que je leur poserais à tous les mêmes questions. La "Terre vue du ciel" m’a apporté la richesse et j’ai décidé de réaliser ce travail avec l’aide de moyens vidéos et d’engager une équipe pour le mener à bien. En vérité, de photographies réalisées de très, très loin, nous sommes passés à des vidéos tournées de très, très près.

Estimez-vous que la démographie pose problème ? Ne faut-il pas mettre en œuvre des politiques pour la contenir, comme le prônent certains ?
Je pense que l’éducation est la clé. Dès que des populations sont éduquées, elles ont moins d’enfants. Il est évident que nous ne pouvons pas vivre à sept milliards selon les standards occidentaux. Il n’y aura pas assez de ressources pour cela.
La vérité, c’est que nous sommes tous commandés par notre envie de consommer. Tous. Quand vous parlez de déforestation, de réchauffement climatique, ou de la défense des orangs-outangs à des habitants de Bornéo qui défrichent, assis sur leurs gros tracteurs, ils se marrent. Ils vous demandent ce que vous venez leur raconter du haut de votre hélicoptère et vous expliquent qu’ils sont venus chercher de quoi manger et vivre. Et ils vous emmènent sur leur bateau où leurs femmes regardent une série américaine sur une télévision à écran plat. Il faut que nous changions tous notre façon de voir le monde. Il faudra vivre mieux avec moins. La révolution ne sera pas politique, économique, scientifique, elle sera spirituelle. Non pas au sens religieux, mais au sens éthique.

Comment jugez-vous les résultats de Cancún ?
Je ne suis pas très au fait de ces négociations. Mais j’ai été très ému de voir tous ces pays parler, le dernier soir, à la séance plénière. J’avais l’impression que tout le monde avait envie qu’il se passe quelque chose. Mais ça va être compliqué de changer le monde. Il faudrait un gouvernement mondial et on en est très loin.

Avec la crise économique, les préoccupations environnementales ne sont-elles pas passées au second plan dans l’opinion publique ?
Justement, mon métier à moi, c’est de parler aux opinions publiques. Moi, je ne crois pas beaucoup au pouvoir des politiques. Je pense qu’on a les politiciens qu’on mérite. Ces politiciens nous ressemblent, et si on n’a pas envie de bouger, eux ne bougeront pas plus.
Il faut un changement spirituel, mais personne ne nous y emmène.
En fait, je suis peut-être un peu naïf, mais je pense qu’aujourd’hui, on a besoin de leaders, pas de politiciens.
On a besoin de grands personnages à suivre, comme Gandhi ou Mandela. Mais j’ai beau regarder autour de moi, je ne vois personne qui émerge. Est-ce que c’est la démocratie qui fait ça ? Je n’en sais rien. On est dirigé par des gens qui ont toujours une vision électorale.

Et justement, comme Nicolas Hulot le fera peut-être un jour, n’avez-vous jamais eu envie de vous engager politiquement ?
Nicolas Hulot a un discours plus construit que le mien. Il a un charisme que je n’ai pas, et je pense qu’un jour, il ira en politique. Il y a une attente sur lui, et il va décevoir s’il n’y va pas. Moi, je suis un photographe et je suis bien à ma place. La politique, c’est une guerre et moi, je ne vis pas comme ça. On m’a déjà courtisé, mais les gens qui l’ont fait ont vite compris que ce n’était pas mon truc.

http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/630216/yann-arthus-bertrand-vivre-mieux-avec-moins.html

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